mes lèvres
de la bouche du monde
et je l’ai embrassée
Il n’y a rien à redire sur ce très court recueil de l’auteur Carlos Dorim, La nuit aux yeux rougis, (édition Henry). Rien à redire pour tout un tas de raisons, mais tout d’abord pour ces deux là : D’une part, il remplit à merveille sa fonction de petits poèmes de poche à emporter où on le désire, où même à laisser tendrement reposer en haut de sa pile de livres ; d’autre part, vous pouvez l’ouvrir à n’importe quel instant et vous vous sentirez toujours touchés.
« Les blessures
habituées à sortir
rouillent et brûlent
dans l’amour du dehors »
La nuit aux yeux rougis nous donne à lire et à toucher des poèmes très courts, une douzaine de mots au plus, et il est surprenant de voir à quel point ces poèmes se présentent à nous avec force, tout en nous laissant une grande place, comme une invitation à reprendre les mots pour nous-mêmes, et en allant aussi en chercher d’autres, au sein de sa propre vie. Il y a une puissante présence, mais elle ne s’impose pas, elle prend, elle prend par la main, elle soulève un peu les pas, elle est une vague légère qui nous saisit le corps et l’esprit. Et puis, cette présence possède quelque chose de très agréable, elle ne nous cherche pas, elle s’occupe d’elle, et c’est par son occupation propre, qu’elle arrive à nous ravir.
« La paix
Sur le sol en cendres le bois tombe
Ne plus être ivre
L’océan me réveille »
Quatre fois déjà que je lis ce recueil, et j’ai le sentiment que je pourrais le lire encore et encore, comme s’il était inépuisable. Je ne sais pourquoi, ce recueil me tranquillise, mais tout en me tranquillisant, il me touche aussi un peu trop, et ainsi il me déstabilise aussi, car nous pouvons êtres déstabilisés par ce que nous trouvons beau. Alors il ne faut pas non plus trop le lire, l’égarer de temps en temps, pour mieux se retrouver.
« Le matin
àmène
sur ces cinq doigts
son étoile
le soleil
l’ombre d’une lune
et un morceau de moi »
Carlos Dorim
La nuit aux yeux rougis
Edition Henry
ISBN : 978-2-36469-049-3